Michèle Noiret
Psychologies Magazine, mars 2012
La métamorphose me passionne, au sens propre comme au sens figuré. La corps, à chaque instant sollicité dans chacune de ses parties, est une donnée fondamentale de l'art chorégraphique. On ne dépose pas notre instrument de travail sortie de la répétition. Notre physique et notre mental, soit ce que nous sommes, évoluent et se transforment sans cesse. Chaque danseur avec qui je collabore est n nouveau monde, que je tente d'apprivoiser et de comprendre. Ils créent les cartes du continent dont je propose la découverte, et je tente de tenir la boussole. Avec l'âge, le danseur se rend compte des limites physiques qu'il ne lui est pas facile d'accepter, sentiment perturbant, violent, parfois : l'impression que tout ce savoir-faire acquis patiemment peut s'effondrer. Mais c'est la vie, et il vaut mieux s'en accompagner, en accepter les évolutions pour en faire une force. C'est passionnant et inquiétant à la fois, comme un nouveau défi, un équilibre que je cherche constamment à réinventer. Avec le temps, pour tracer mon chemin, il me semble être plus à l'écoute de moi-même, mais aussi des autres et du monde. Je suis perfectionniste : le but n'est donc jamais atteint, ce qui me motive prodigieusement pour la suite. Le travail de création est une métaphore de la vie, avec ses surprises, ses hasards, ses rencontres, son caractère toujours inachevé et imparfait. C'est aussi oser se perdre et se mettre à nu pour avancer et aller au-delà de ce qu'on connaît. Je suis davantage dans le doute que dans la certitudeet, en général, je sais surtout ce que je ne veux pas.